Wednesday, August 26, 2009

Thème de la semaine : Du mélange des genres


Thème de la semaine : Du mélange des genres

Par HAYAT ALAIN



Je ne suis pas passionné de sport, mais cette semaine une polémique dans ce secteur a attiré mon attention. J’en profite pour regretter, d’une manière plus générale, que ce qui devrait être un forum du meilleur de l’homme devienne de plus en plus une « marketplace » où l’argent et la politique prennent de plus en plus de place.

Cette fois il s’agit de Caster Semenya. Cette très jeune athlète sud-africaine a remporté à Berlin la médaille d’or du 800m. Mais voila, des doutes surgissent sur sa féminité. Pourtant, ce n’est pas la première sportive à avoir une apparence masculine, il suffit de regarder la télévision pour s’en rendre compte. Manœuvre de ses concurrentes, racisme comme on l’a même évoqué, ou la goutte qui fait déborder le vase pour les organisateurs.

Mais ce n’est pas la première mésaventure de cette jeune fille. Aimant cultiver cette apparence, utilisant couramment des pantalons, elle s’est déjà vu, au Cap, se faire interpeller à l’entrée des toilettes pour femmes. Il y avait donc des antécédents à cette ambigüité.

Que l’ambigüité existe dans la nature n’est pas nouveau non plus. Le Talmud, et les textes rabbiniques anciens qui établissaient les canons du droit, citent abondement les cas d’androgynie, d’absence ou de duplication des organes sexuels, ce qui place ces personnes sous statut spécial vis-à-vis de la loi juive. Ce n’est qu’un exemple de plus du fait que, contrairement à ce que notre logique souhaiterait, le monde n’est ni monolithique, ni manichéen, mais qu’il est composé d’une infinité de nuances.

Des lors on notera l’insuffisance – ou plutôt l’inadéquation – de ces règlements qui divisent le monde entre hommes et femmes. Si cela est bien suffisant dans la plupart des cas courants, s’il n’y a pas beaucoup de confusion dans notre vie au quotidien, les choses se compliquent lorsqu’apparait un intérêt économique. Car ce qui est naturel peut toujours être dévoyé, et le problème du dopage dans le sport est un bon exemple de la limite acceptable de l’entrainement physique quand les enjeux économiques sont énormes. Et l’une de ses formes est l’incitation pour les femmes de rapprocher leur morphologie de celle des hommes. Lorsque cette situation est naturellement créée par la nature, sous forme marginale, cela reste acceptable comme toute fantaisie de la nature. Mais y parvenir sciemment, grâce à l’aide médicale, nous semble relever de la manipulation frankensteinienne la plus condamnable. Le fond du problème reste que c’est cette volonté de dichotomisation du monde entre hommes et femmes, l’existence de règles différenciées pour les uns et les autres qui crée la tentation de frauder. Restant fidele à ma pensée, je trouve encore ici l’illustration du fait que c’est le système qui est en cause, et non celui qui veut profiter de ses failles.

Rapportons cette discussion à une indication qui se trouve dans notre lecture biblique hebdomadaire : « une femme ne portera pas de costume masculin et un homme ne mettra pas un vêtement de femme» (Deut. XXII, 5). On remarquera que ce verset est inséré dans une série d’autres prescriptions dont la tonalité est l’entraide et la responsabilité sociale. Il est donc difficile de penser qu’il n’est là que par sexisme, dans le but d’établir ou de renforcer la ségrégation entre hommes et femmes. Dans la mesure où l’habit est la manière de dire ce que l’on est, il devient important que le paraître corresponde à l’être. C’est une responsabilité sociale que de ne pas tromper son prochain, de déclarer et d’assumer ce que l’on est. Je crois que cela est un très bel enseignement, qui va au delà du simple aspect vestimentaire qui lui sert de support.

Je ne sais pas ce qui se passe dans la tête de Caster Semenya, et en conséquence je ne veux ni peux juger. Si elle est victime de son apparence et qu’elle revendique au fond sa féminité, cette histoire est triste pour elle du fait d’une publicité dont elle se serait bien passée. Si elle cultive l’ambigüité (au niveau des produits qu’elle peut prendre ou de son comportement) mais qu’elle utilise sa carte d’identité pour vaincre en série féminine, cela est triste pour la morale et pour le sport.